Retour à Doheny : évolution d’un récit folklorique à travers la transmission orale

Retour à Doheny : évolution d’un récit folklorique à travers la transmission orale

L’écriture étant une activité résolument solitaire, c’est toujours un plaisir de recevoir les commentaires des lecteurs et lectrices. Depuis quelques années, j’ai eu l’occasion de lire un certain nombre de témoignages de la part de personnes dont la lecture des légendes de Mékinac a fait remonter d’heureux souvenirs. J’ai récemment reçu un message d’une lectrice dont le propos est venu donner un éclairage nouveau à l’une des légendes parues dans Légendes mékinacoises (2018).

Dans ce premier recueil, j’évoquais la légende de la sorcière de Doheny. On raconte qu’à une certaine époque, une sorcière semait la terreur dans le petit hameau du nord-est de la région. Avec ses pouvoirs, elle pouvait faire voler des objets. Un épisode récurrent en lien avec cette légende prétend que des gens du village ont vu leurs vêtements déchirés par une force invisible, tels des ciseaux fantomatiques. L’histoire m’avait été transmise oralement par mon grand-père avant d’être corroborée par d’autres ainés. 

Dans son courriel, Joanne Lévesque, dont la famille a habité l’endroit durant plusieurs décennies, m’a transmis plusieurs documents d’intérêts. J’ai eu la chance d’avoir sous les yeux le témoignage écrit de personnes ayant été témoin de ce que j’appellerais « l’affaire de Doheny ». En parcourant les textes, il est possible de recouper les détails d’une version officielle – si jamais cela est possible – de la légende entourant Doheny.

Doheny, 1965. Courtoisie de Joanne Lévesque.

Il n’est plus question ici d’une histoire de sorcellerie, mais plutôt d’un cas de possession. Les documents rapportent une histoire semblable : un jour, des phénomènes étranges ont commencé à se manifester dans le sillage d’une jeune fille du village. Parmi ces phénomènes, on rapporte « qu’un œuf a été trouvé tout cuit au milieu d’un pain », « un couteau est passé à travers le mur », « deux de ses frères sont arrivés à l’école avec des livres déchirés », « les manteaux des filles, de la taille jusqu’au bas, étaient coupés sur la hauteur » et « des bruits étranges étaient perçus de la chambre de leur jeune fille ».

On retrouve dans ces témoignages plusieurs éléments qui m’avaient déjà été rapportés en lien avec cette légende : le rôle central du personnage féminin, des objets déplacés sans intervention humaine et les vêtements mystérieusement déchirés. Enfin, la conclusion de cette légende comporte une autre similarité. Que ce soit grâce à l’exorcisme ou encore par la simple apparition d’un prêtre, les phénomènes surnaturels finissent par disparaitre pour ne plus jamais revenir suite à une intervention religieuse.

Chapelle de Doheny. Courtoisie de Joanne Lévesque.

Cette mise à jour de le légende grâce à l’apport de documents écrits vient mettre en perspective le rôle joué par la transmission orale à travers le temps. Le récit de Doheny illustre comment l’évolution d’une histoire folklorique – ici la transformation du personnage de la jeune fille possédée en sorcière débauchée – arrive néanmoins à conserver ses éléments d’origine au fil du temps.

Une chose est certaine, plus de cent ans après sa fondation, le hameau reculé de Doheny continue de faire jaser!   

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *